Un aéro-club pas comme les autres …
Original, l’aéro-club Paul-Louis Weiller aux Mureaux l’est, c’est indéniable ! Unique en France, il a pour particularité d’accueillir des handicapés, surtout invalides des membres inférieurs. A l’occasion de la « Fête de l’Air » nous avons rencontré Claude Maltese, président passionné (et passionnant) de cette association.
Sur ce sujet le président est intarissable ; le plus simple est sans doute de commencer par l’histoire de ce club, créé en 1972 par André Crépy, un ancien pilote, victime d’un accident d’avion qui l’a rendu paraplégique. Il avait, suite à cet accident, une seule idée en tête : revoler ! Il a pour cela utilisé des moyens, disons, limites : après avoir fait modifier un avion par un de ses amis mécanicien, afin de le rendre pilotable sans les jambes, (le malonnier a remplacé le palonnier), il a convoqué les médias nationaux et a effectué devant eux, sur l’aérodrome des Mureaux, un vol, le premier effectué par un handicapé.
Bien sûr les autorités ont réagi, mais, fort de sanouvelle notoriété, et surtout après beaucoup de ténacité, il parvint, soutenu par le sénateur Caillavet à faire publier une circulaire autorisant les handicapés à obtenir une licence de pilote. C’est Raymond Finck, également pilote à l’aéro-club, qui obtiendra cette première licence en 1976.
Inutile d’ajouter que la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) reste très frileuse et il a fallu attendre neuf ans, période pendant laquelle la dizaine de pilotes handicapés qui volait n’a eu aucun accident, pour que cette autorité accepte le vol avec passagers.
En 1999, avec les nouvelles organisations européennes, il a fallu à nouveau que l’association se batte. En effet, la France, qui est pionnière dans ce domaine, était alors le seul pays de la nouvelle union à autoriser les licences de pilotage aux handicapés. Enfin en 2002, Jacques Chirac, réélu président de la République, a fait de l’insertion des handicapés un de ses projets majeurs. Les membres de l’aéro-club ne ratent pas cette occasion et se rappelant à son bon souvenir, ils vont finalement obtenir l’égalité ; ils vont pouvoir devenir pilotes professionnels (à part la Grande Bretagne qui vient de ratifier cette autorisation, la France est le seul pays de l’Union à donner ce droit aux handicapés !) et en 2008, ils obtiennent enfin le droit de « voler aux instruments », le diplôme suprême, le plus prestigieux de pilotage.
Mais vous vous demandez sans doute pourquoi l’aéro-club se nomme Paul-Louis Weiller ? Eh bien après l’histoire passionnante du club, c’est celle de ce mordu d’aviation (titulaire du brevet de pilote numéro 17 !) que Claude Maltese m’a raconté.
Né en 1893, en même temps que l’aéronautique, Paul-Louis Weiller, jeune ingénieur issu de Centrale, devient un héros de la première guerre mondiale. Il est un de ceux qui a imposé la photographie aérienne, permettant ainsi d’aller voir ce qui se passe derrière les lignes ennemies. C’est au cours de ces multiples opérations, prenant pour cela d’énormes risques, qu’il fut plusieurs fois blessé.
A la fin de la guerre, le virus de l’air est encore plus présent ; il fonde d’abord une ligne aérienne, la CIDNA, qui deviendra, après plusieurs nationalisations, Air-France. Il crée ensuite une entreprise de construction de moteurs pour avions, la plus importante en Europe, la société Gnome-Rhône. Cette compagnie, également nationalisée en 1945, sera à l’origine de la SNECMA. On ne compte pas les distinctions que Paul-Louis Weiller a reçues, chevalier de la légion d’honneur à 25 ans (il était Grand Croix à sa mort), il a aussi été membre de l’académie des Beaux-Arts. C’est par l’intermédiaire d’un ami, le général Cuffaut, un ancien de la compagnie Normandie-Niemen et membre comme lui de l’aéro-club de France, que Paul-Louis Weiller est mis en contact avec le club des Mureaux en 1989. Emu par la rusticité des équipements, il fait alors un don qui permit de remettre en état une partie de la flotte du club ; en remerciement, il a été décidé de donner son nom à l’association.
Les descendants de cet illustre homme, sa bru Olimpia et sa petite fille Christina continuent ce mécénat qui permet au club de fonctionner.
Actuellement le club compte une quarantaine de membres qui disposent de trois avions, tous équipés pour les handicapés, pour assouvir leur passion. Les quatre instructeurs bénévoles, dont certains sont eux-mêmes paraplégiques, assurent la formation des futurs pilotes, pour la plupart handicapés ; ils ont d’ailleurs largement participé à la fête de l’air en assurant une grande partie des baptêmes de l’air sur le terrain. Ce club, unique en France, dispose d’un club house sur l’aérodrome civil des Mureaux. Chaque samedi, les membres de l’association se retrouvent dans ce local, pour voler bien sûr, mais aussi partager un long moment de fraternité. Le repas, pris en commun, vient souvent prolonger le vol et les discussions autour de la passion commune vont bon train. Certains de ses membres, comme Dorine Bourneton, auteur d’un livre autobiographique(1) et qui a participé au tour de France aérien, ont fait beaucoup pour la réputation du club et d’autres ont réussi à devenir professionnels…
Pour le président Claude Maltese, jeune retraité et ancien commandant à la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire), le club a été particulièrement important. Devenu paraplégique en 1991, à la suite d’un accident de moto, il a trouvé dans le pilotage une façon de se prouver qu’il pouvait encore faire des choses. En participant à l’obtention de la reconnaissance des autorités, il considère avoir atteint une grande partie de ses objectifs mais il lui reste à pérenniser ses actions …
- « La couleur préférée de ma mè», éditions Robert Laffont