Un aviateur écrivain
Pionnier de l’aviation civile, Antoine de Saint-Exupéry, grand homme parti trop tôt, trop vite, est un des écrivains les plus incroyables du XXe siècle, vivant d’aventures et de poésie. Doué de talent littéraire, il a raconté ses expériences dans plusieurs ouvrages dans lesquels il exprime son humanisme, son idéal de grandeur et de solidarité entre les hommes.
Né le 29 juin 1900 à Lyon, Antoine reçoit une éducation classique soignée. Malgré le décès prématuré de son père, le vicomte Martin Louis Marie de Saint-Exupéry en 1904, il partage une enfance des plus heureuses en compagnie de ses quatre frères et sœurs. Il n’a jamais été un très bon élève. Toujours la tête dans les nuages, il ne cesse de rêver d’aventures et d’une vie haletante, loin de son aristocratie d’origine.
Enfant curieux et sensible, il se fait vite remarquer par sa capacité intellectuelle. C’est en 1912 que se révèle sa passion pour l’aviation. Il passe ses journées à poser des questions aux mécaniciens pour comprendre le fonctionnement des avions et effectue son baptême de l’air à 12 ans, assurant que sa mère lui avait donné sa permission. Il obtient son baccalauréat malgré des résultats peu brillants et débute son service militaire de deux années en 1921 en tant que mécanicien au deuxième régiment d’aviation de Strasbourg. Il commence à prendre des cours de pilotage à ses frais. Titulaire du brevet de pilote civil, il est affecté au Maroc et obtient celui de l’aviation militaire. L’année suivante, il est promu caporal puis sous-lieutenant. Au printemps 1923, il est victime de son premier accident d’avion et s’en sort avec une fracture du crâne. Toutefois, sa motivation ne s’en retrouve pour rien ébréchée et il compte toujours entrer dans l’armée de l’air. La famille de sa fiancée, Louise de Villemorin, essaye de l’en empêcher mais ne supportant pas de travailler dans un bureau, il rompt ses fiançailles. Il se mariera en 1931 avec Consuelo Suncun Santoval, artiste peintre et sculptrice salvadorienne.
Le mythe de l’aéropostale étant sur le point de prendre son envol, il est engagé par la compagnie Latécoère pour effectuer des vols de transports de courrier entre Toulouse et Dakar. Ses débuts comme pilote commercial sont l’occasion de publier son premier ouvrage « L’aviateur » en 1926. Il est nommé chef d’escale à Cap Juby au Maroc et découvre alors la brûlante solitude et la magie du désert. Son premier roman « Courrier sud » témoigne de ses émotions et de ses pensées. Cette année-là, il rencontre un certain Jean Mermoz qui sera sans conteste un de ses compagnons les plus chers et qui le restera jusqu’à la disparition de celui-ci en 1936.
Autre ami fidèle, le pilote Henri Guillaumet qui, au cours d’un vol au-dessus des Andes, fut obligé d’atterrir par manque de carburant. Parti à sa recherche, Saint-Ex le retrouve dans une ferme chilienne où il avait été recueilli après cinq jours et quatre nuits de marche dans la neige par des températures glaciales. Le « Grand Prix du roman de l’Académie française » lui sera remis pour « Terre des hommes ». Considéré comme un chef-d’œuvre, ce roman qui relate l’aventure de son ami où l’auteur aborde des sujets tels que l’amitié, la mort, l’héroïsme, la vérité.
Conquérant de l’impossible, il tente en 1925 de battre le record de vitesse du raid Paris-Saigon. À bord de son Caudron rouge, il échappe de peu à la mort après un terrible accident dans le désert de Libye. En 1927, l’Aéropostale ouvre de nouveaux horizons aux pionniers de l’aviation. Il ne s’agit plus de relier l’Europe à l’Afrique mais de traverser l’Atlantique pour transporter le courrier jusqu’en Amérique du Sud : enjeu stratégique pour le développement de l’aviation commerciale mais surtout défi technique et humain. Il s’enthousiasme pour ce projet à développer des lignes vers ce bout du monde qu’est la Patagonie. Cette expérience argentine lui vaudra le « prix Fémina » décerné en 1931 avec son roman « Vol de nuit » qui connaitra un énorme succès traduit en plusieurs langues. Mais sa plus grande réussite littéraire est sans nul doute « Le Petit Prince », conte pour enfant paru en 1943.
Capitaine dans l’armée de l’air en 1939, il accomplit son devoir d’aviateur avec courage. Ses missions de reconnaissance au-dessus de l’Allemagne et d’Arras lui vaudront la Croix de guerre. Démobilisé en 1940, Saint-Ex. se rend aux Etats-Unis, utilisant sa notoriété pour plaider la cause de la Résistance française auprès des Américains. Il rejoint la Tunisie trois ans plus tard et est réintégré dans le fameux 2/33. Le 31 juillet 1944, le réservoir de son P-38 rempli pour six heures de vol, il décolle à 8h45 de l’aéroport de Poretta près de Bastia pour effectuer une mission de reconnaissance au-dessus de la Savoie, en vue de la préparation du débarquement américain en Provence. Ce qui ne devait être qu’un vol de routine va pourtant lui coûter la vie.
Que s’est-il vraiment passé ? On a longtemps affirmé qu’il avait été abattu au-dessus de Castellane dans les Alpes de Haute-Provence. Mais cette théorie fut mise à mal en 2000 lorsque l’on découvrit d’importants débris de son appareil au large de Marseille – débris que l’on peut d’ailleurs voir au Musée du Bourget – ainsi que sa gourmette gravée aux noms d’Antoine et de Consuelo. Fut-il réellement la victime de ce pilote allemand qui affirmait dans « La Provence » en 2008 avoir abattu, à son plus grand regret, l’un de ses écrivains favoris ?
On ne saura probablement jamais ce qui est arrivé ce jour-là. Cela participa certainement à la popularité de l’écrivain, pilote solitaire souvent perdu dans les cieux étrangers de son royaume.
Geneviève Forget